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Les sieurs de L'Aubinière

Le 7 mai 2021, le CNRS a initié une base de données collaborative REPAIRS (1).

Elle est relative "aux indemnités payées par Haïti en 1825 aux propriétaires français, et celles versées, en 1849, par la France, aux propriétaires d’esclaves de l’empire français".

Dans la base de 1825, 2 familles liées à La Chevrolière sont citées :

- Robiou de Mareuil, pour la sucrerie Cottes et Robiou du Trou-Bordet et pour la caféterie dite Robiou,
- Fortin pour la plantation du Croix Bouquet.

Plus précisément, il s'agit de :
Marie Anne Fortin qui a épousé Julien Pépin de Bellisle en 1746 lui permettant notamment d'acheter en 1751 le domaine de La Freudière,
et de François Brice de Mareuil décédé à l'Aubinière en 1771.

Comme on le verra plus loin, les deux familles sont liées à L'Aubinière.

François Brice Robiou de Mareuil

François Brice Robiou de Mareuil et Marie Anne Fortin sont, tous deux, nés dans l’île de Saint Domingue.
Les familles se connaissent et se fréquentent.

Ainsi, le contrat de mariage entre François Brice Robiou de Mareuil et Charlotte Françoise Lingée, comporte parmi les signatures des parents et amis :

- celles de Julien Pépin de Bellisle et de sa femme Marie Anne Fortin,
- celle de Marie Jeanne Jarrofoy, elle aussi native de Saint Domingue, mère de Marie Anne Fortin.
- celles d'Anne Wittenberg et de son mari Nicolas Charet. Leur fils, Joseph Charet, épousera en 1774 Anne Robiou de Mareuil, fille du couple Robiou - Lingée.

Contrat de mariage Robiou-Lingée - 12 janvier 1754 - ADLA 4 E 2 /1180


Si l'achat et l'embellissement du château de La Freudière sont liés à la riche héritière des îles (2) ; pour la maison noble de l'Aubinière, il en est tout autre.

En effet, c'est sa femme Françoise Lingée qui apporte au couple le domaine de l'Aubinière : la maison noble, ses métairies, ses moulins.

Quant à lui, leur contrat de mariage indique :

[...] de la part du futur [...] la somme de 14 000 livres qu'il a en argent [...], de laquelle il déclare mobiliser celle de 6 000 livres,
le surplus qui est de 8 000 livres lui tiendra nature de propres [...]
ainsi que son cinquième de nègres bestiaux ustensiles et tous autres objets mobiliers qui servent à exploiter l'habitation juridique
entre lui ses frères et sœurs le hoir de la succession de leur père et mère est située en l'île de St Domingue au quartier du Trou Bordet Paroisse du Port au Prince.
La valeur desquels objets il ignore sinon que le prisage fait en l’Amérique de la même habitation,
en fond, nègres, bestiaux et ustensiles a été porté à la somme de 120 000 livres argent de l’Amérique
qui se trouve réduite monnaie de France à celle de 80 000 livres.

Le noble homme François Brice Robiou de Mareuil, avocat au parlement de Paris décèdera à La Chevrolière, le 6 septembre 1771, dans sa terre de Laubinière.

Marié à St Nicolas de Nantes le 15 janvier 1754, il était en 1764 à La Chevrolière marguillier lorsque son fils aîné, âgé de 10 ans, a été le parrain de Jean, fils de Jean Lemerle marguillier lui aussi.



Alexis Lingée

Charlotte Françoise, l'épouse de François Brice Robiou de Mareuil, est l'unique héritière de son père Alexis Lingée.
Le 26 janvier 1739, il avait acquis pour 16 000 livres Laubinière mise en vente à la succession de Jeanne Dupin, l'ancienne propriétaire.

La maison de L'Aubinière, proprement dite, est alors composée d'un corps de logis avec une cour fermée et son portail d'entrée.
Une tellerie (taiterie : appentis) est y accolée. Une chapelle est à l'intérieur de la cour dans un des coins.
Vraissemblablement, le puits est à l'intérieur de la cour, tandis qu'un vivier (étang) est à l'extérieur dans le jardin.
Le bâtiment du pressoir est à l'extérieur.
Le tout est entouré de jardins, vignes, taillis et d'une prée (prairie) dans laquelle se dresse un pigeonnier.
Les terres du domaine comprennent les métairies de L'Aubinière et de La Tranchais,
ainsi qu'un moulin à turquois situé dans les landes de l'Aubinière et la moitié du moulin des Hauts Champs, anciennement carré et à présent à turquois.
Les droits de destroit (mouture), fuye (pigeonnier), garenne à faux conils (lapins) sont rattachés au domaine.

Voici la description qui est faite dans l'acte de vente(3) :

[...] le lieu noble maison terres appartenances et dependances de laubiniere consistant
en maisons et logements fermées d'une cour dans l'un des coins de laquelle il y a une chapelle
avec les jardins devant et au derrière de la dite maison cernoyer de fossés
le logement du pressoir au dehors de la dite cour avec le pressoir et ustenciller d'jcellui, item un grand clos de vigne partie duquel en joignant lesdites maisons et jardin du costé nord aval,
plus une prairie aussi abondante d'un bout vers amont ausd(its) logements chapelle et murailles de lad(ite) cour et le dit jardin du derrière fossé entre deux tenant et adjacant le bois et taillis dependant du lieu de Laubiniere
dans laquelle prairie est une fuie ou colombier,
idem deux metairies aussi dependantes du lieu de Laubiniere l'une appellée la métairie de Laubiniere et l'autre La Tranchais consistantes en maison granges teteres rues et issues dicelles et jardin rues et marais terres labourables et gasts
et outre un petit pré appellé le pré du charu joignant la planche du ruisseau dud(it) lieu, landes brandes frosts gasts et communs que toutes autres choses quy en sont dependantes generalement quelconque sans en rien reserver,
item trois clos de vigne deux appelles les grandes et petites mocquets et l'autre le fief gast lesquelles vignes plusieurs personnes faiseront adevoir de quart et complant,
idem le droit de garenne et de faux à conils,
item un moulin a vent fait à turcois seitué ausd(ites) landes dependantes dud(it) lieu de Laubiniere
et icelles choses ci-devant specifiees bornees d'un costé aux terres pres rivages et marais des village de la Tulliere et de la Bouylerie? douves et fosses entre deux
d'autre costé aux terres et landes du village du rasteau,
d'un bout aux terres et bois de la tarhe? et du pas robin appartenant au seigneur de la frudiere
et d'autre bout au pré rivage et marais des villages et metairie de la Bourdiniere et le chesne et les terres de la metairie de lorriere?.
a raison desquels droits de fuye garenne et de faux a conils il est du au seigneur duc de Retz outre la foy hommage et rachap le nombre de six lapins chacun an a chaque feste de Pentecoste de rente noble seigneurialle a la recette de la chetellenie des huguetieres
et plus la moityé d'un moulin à vent cy devant carré et a present fait à turcois appellé le moulin des hauts champs avec son tout cerne civant issues et appartenanceq
et avec le droit de destroit et mouture sur les sujets a moudre au moulin en lad(ite) p(aroi)sse de la chevrolliere
et generallement tout ce qui depend de lad(ite) maison et terre de laubiniere en icelle parroisse de la chevrolliere [...]


En fait, la maison de Laubinière est en mauvais état, ainsi que le constate Alexis Lingée lors de sa prise de possession le 9 mars 1739 (4) :

[...] dans le cours desquels actes possession ledit sieur Lingee [...] a fait remarquer et avons vu que la plus grande partie des vitres de lad(ite) maison de Laubiniere sont rompues,
qu'il y manque du plomb,
qu'il y a une breche au mur de la cour du costé du soleil tenant joignant le puy de trois toises ou environ de long,
que la charpente du dosme de la fuie est pourie et menace ruine,
que la tellellere joignant le portail d'entrée menace aussy ruine y ojan un tirant etayé et deux piliers de bois presque pourris,
que la prée est replie de jeons,
et que tous les logements de la maison et metairies sont en mauvais etat [...]

Le domaine sera remis en état puisque, le 7 septembre 1744, il épousera dans la chapelle de L'Aubinière(5) Perrine Eude, sa troisième épouse : mariage alexis lingee - perrine eude - chapelle st jean laubiniere - 7 septembre 1744

... ont été épousé dans la chapelle de la maison des laubiniere paroisse de la chevrolliere ...


Le contrat d’acquisition d'Alexis Lingée marchand bourgeois demeurant près de l'hotel de la bourse paroisse de saint nicolas indique les charges liées au domaine :

[...] a la charge aud sieur Linger acquereur [...](de rendre) noblement foy et hommage et rachap aud duche de rais paire de france dont lad maison et terre releve (6)
[...] et outre à la charge aud sieur Linger acquereur de payer outre à lavenir sur la metairie de La tranchais au seigneur de La Frudiere en nature de rente noble et fondee deux boisseaux de bon bled de seigle [...] 17 autres boisseaux de blé de seigle 17 boisseaux d'avoine le tout mesure des Huguetières quarante sols en demi monnaie et quatre chapons (7),
plus de payer au seigneur de la Frudiere dix livres tournois et deux chapons de rente sommes dues chacun an sur la bauche des landes des broquets,
comme aussy de payer les parts et portion des autres rentes foncieres quy peuvent estre dues sur quelques biens de terre dependantes dud lieu de Laubiniere ou plusieurs particuliers ont des terres [...]

Il précise aussi l’origine du bien :

[...] ladite maison et dependance acquise judiciairement en laudience de la cour et siège royale le la prévoste de nantes le neuf décembre 1718 par feu [...] Paul Hautecoeur tuteur de la feue demoiselle Jeanne Dupin [...] des ventes en faitte par demoiselle Martine martin veuve de noble homme Julien Chapelain sieur de Laubiniere tutrice de leurs enfants mineurs heritiers beneficiers de leur pere [...]



Julien Chapelain

Effectivement, nous retrouvons dans les registres de La Chevrolière Julien Chapelain, sieur de Laubinière.

Il y est inhumé le 17 juin 1717 :

Le 16ième juin 1717 décéda noble homme jullien chaplain sieur de lobiniere agé 44 ans son corps fut inhumé le lendemain [...] en présence de julien martin et de martine martin épouse du dit sieur de pierre cormerais pierre guilet

Un fils posthume naîtra à L'Aubinière le mois suivant (4 juillet 1717).
C'est donc sa femme devenue veuve qui vendra en 1718 le domaine au sieur Hautecoeur, tuteur de Jeanne Dupin (8).
Elle se remariera le 30 octobre 1730 avec Louis Porcher, sieur du Rocher de Saint Etienne de MontLuc.

Vu le mauvais état de la maison en 1739, il est probable qu'elle fut guère habitée. Les métairies et les moulins ont, eux, à coup sûr, été affermés.

Plusieurs Chevrolins doivent leur prénom à leur marraine Sébastienne Chapelain dame de laubinière y demeurant :

- Sébastien Neveu, 11 octobre 1678,
- Sébastienne Delescrain, 10 avril 1679,
- Sébastienne Duteil, 16 octobre 1679,
- Sébastienne Baud, 10 décembre 1685. Elle est la fille de Sylvestre Baud, charpentier. Sa femme Mathurine Gauvrit/Guerit était en 1679 la servante domestique des dames Chapelain. Mathurine est la marraine de Pierre Freuchet né le 21 décembre 1679.

Julien Chapelain est le fils de Jacques Chapelain, sieur de L'Aubinière à son décès le 3 janvier 1680, et de Louise Briand.
Sébastienne Chapelain est, semble-t-il, la fille née le 9 mai 1630 de Louis Chapelain et de Marie Grassineau.
Au mariage de son frère François avec Françoise Cercleron, le 1er octobre 1668, son père est noté sieur de l'Aubinière, ainsi que lors du baptème de François, neveu de Sébastienne, le 8 octobre 1674 à Saint Nicolas de Nantes :

bapteme de francois chapelain - st nicolas nantes - 8 oct 1674 - ADLA 3E 109/115

... marraine demoiselle sebastienne chapelain fille de deffunt noble homme louys chapelain sieur de laubiniere tante de l'enfant nouveau nay ...

Après l'achat du domaine de L'Aubinière par son tuteur, Jeanne Dupin, via son curateur, le louera pour 5 ans à noble homme joseph giraudet marchand demeurant a la maison noble de langle parroisse de la chevrolliere (9) :

[...] la maison noble de laubiniere apartenances et dependances dicelle sittuee en la paroisse de la chevrolliere consistante en logements pressoir cellier jardins pres vignes fuye trois metairies deux moitiés de moulins terres labourables, marais et generalement et entierement tout cequy depend de ladite maison de laubiniere [...]



Joseph Giraudet


S'il n'est pas propriétaire de L'Aubinière, Joseph Giraudet posséde néanmoins plusieurs terres et maisons à La Chevrolière (10).

C'est un maître chirurgien, comme son père, né à Sarzeau dans le Morbihan le 3 février 1698.
Du domaine de l'Aubinière qu'il vient de prendre le 28 novembre 1728 en location pour 5 ans, vraisemblablement il a sous-affermé les deux moulins et les métairies.

Il demeure à La Chevrolière (maison de L'angle, maison de L'Aubinière, La Thuillère) et à Nantes (Sainte Ragonde) (11).

Le 4 juin 1718, sa femme Renée Le Roy m'est au monde leur premier enfant, né par césarienne baptisé le sortant du ventre par le chirugien, mourut à l'instant .

Sa fille Renée Françoise, née en 1725 à La Chevrolière, épousera Julien Coquin, praticien, le 14 février 1747 à Ste Ragonde de Nantes.
En 1760, Julien Coquin de la Robinière est procureur au présidial de Nantes.

Joseph Giraudet fait partie des propriétaires qui doivent payer la rente foncière au seigneur de La Freudière, Julien Pepin de Bellisle (12).

Il décède à La Chevrolière le 1er octobre 1763.
Comme les Chapelain, les Giraudet, Joseph sa femme et leur fille Renée Françoise, sont parrain et marraine de plus d'une dizaine de baptisés à La Chevrolière.

Le cadastre de 1844 conserve le nom du sieur Giraudet avec les parcelles nommées taillis de la giraudais, pièce de la giraudais situées entre Thubert et La Tranchais.


René Joseph Charet

Charlotte Françoise Lingée, devenue veuve de Brice de Robiou, vend le 4 octobre 1771 à François Biton, demeurant aux basses haies, la moitié du moulin de Laubinière. François Biton possédait déjà l'autre moitié.
Elle vend aussi à Joseph Biton de La Planche Bru la moitié du moulin des hauts champs.

Le 28 octobre 1771, elle afferme pour 9 ans à René Joseph Charet lieutenant d'infanterie garde costes demeurant actuellement à sa maison du hallaix paroisse de la haye foussière (13) :

[...] la maison noble de l'aubinière consistante en un grand corps de logis, celiers, pressoir, toits à bestiaux, granges et autres menageries, jardins prés, vignes, terres labourables et taillis
une bourderie à la porte, trois métairies l'une appellée la tranchais et les deux autres vulgairement appellées les mettairies de la porte
avec touttes les rentes qui peuvent revenir et appartenir à la dite maison de laubinière [...]

Le même jour, René Joseph Charet loue à Pierre Corbineau demeurant à la métairie du haut des huguetières la métairie de la tranchais qu'en jouissait précedamment Pierre Bretagne (14).

Le 22 décembre 1772 à Sainte Croix de Nantes, il épouse Anne Jeanne Berrouet. Leurs 4 premiers enfants vont naitre à L'Aubinière tant qu'il sera le fermier du lieu, les suivants à Saint Viaud (Marie Louise née le 25 octobre 1780 au château du Plessis Mareil). Après le décès de son épouse (26 décembre 1790), il se remariera avec Jeanne Marie Orriard.

Le 19 septembre 1774, à Saint Nicolas de Nantes, la fille de Charlotte Françoise Lingée, Anne Nicole Thérèse Désirée Robiou âgée de 14 ans, se marie avec l'écuyer Joseph Charet de La Fremoire âgé de 34 ans, fils écuyer Nicolas Charet, conseiller secrétaire du roy, maison couronne de France et de ses finances et de Dame Anne Wan Wittemberg (15).
Ils habitent à Saint Nicolas de Nantes, leurs enfants y naissent. Pendant la tourmente révolutionnaire le couple se sépare. Anne Robiou se remarie à Paris, le 5 floréal an III (24 avril 1795), avec Jean Baptiste Guillemin, ancien intentant de Saint Domingue, avant le décès de son ex-mari Joseph Charet le 22 décembre 1803 dans le 1er canton de Nantes.

La soeur benjamine de Thérèse ROBIOU, Claudine Jeanne Bonne Victoire née le 23 décembre 1770, se mariera le 29 pluviôse de l'an III (17 février 1795) à Nantes avec Antoine Augustin Rivet.

La Chevrolière a été dévastée durant les guerres de Vendée.

Le 22 brumaire an VI (12 novembre 1797), Félicité Robiou, une autre de ses sœurs(16), fera établir un acte de notoriété(17) sur les pertes durant la guerre.
De la maison de L'Aubinière et des métairies qu'elles possédaient, la guerre a tout détruit meubles, outils, récoltes, bestiaux ; tout a été enlevé ou incendié.

Les maisons sont à reconstruire, les terres et les vignes à remettre en culture.

Augustin Rivet

Le 16 décembre 1816, on retrouve Augustin Rivet de la Fournerie propriétaire demeurant à sa terre de L'Aubinière, le mari de Victoire Robiou qui afferme la métairie du milieu pour une durée de 14 ans à Jacques Blais et Marie Bioret, sa femme, et aux couples de son fils et ses 2 gendres.

Il semble qu'Augustin Rivet ait une villégiature à La Bernerie ou qu'il soit adepte comme monsieur Chaignon (cf article Fermage du droit de pêche sur le lac de Grand-Lieu en 1805) des cures thermales aux sources ferrugineuses de la côte puisque l'artcle 12 du fermage prévoit :

[...] les dits preneurs s'engagent de conduire le sieur bailleurs et sa famille, de l'aubinière à la Bernerie, et de les ramener chez eux, avec bœufs et charrette deux fois seulement dans le cours de leur bail.Ils nourriront leurs bœufs et eux seront nourris par le sieur bailleur qui s'y engage.

En 1820, il leur affermera la métairie de la porte de l'Aubinière.
Les fermes seront résiliées en décembre 1821 (18).

Le 6 novembre 1834, Anne Herret domestique chez monsieur Rivet, décède au lieu-dit L'Aubinière.
Lui décède le 13 aout 1836 dans sa demeure de Nantes au 71 rue Saint Clément.

Sa femme, Claudine Jeanne Bonne Victoire Robiou, se verra attribuée au titre d'indemnité 2 651 Francs pour la sucrerie du Trou-Bordet et 18 382 francs pour la caféterie du Grand-bois, les deux situées à Port au Prince(19).

Le cadastre de 1844 indique que le nouveau propiétaire de L'Aubinière, la métairie du Milieu, La Tranchais et leurs terres est Julien Pépin de Bellisle.

Il est le petit-fils d'Anne Fortin, la propriétaire d'une sucrerie à La Croix des Bouquets dans l'île de Saint Domingue. Son père Jean-Baptiste s'est vu octroyé une indemnité de 13 162 francs, et la même somme à sa tante Marie Anne Louise Pépin de Bellisle.



L'Aubinière

Le village actuel de L'Aubinière ne permet pas de retrouver la description, faite en 1739, de la maison noble.

Il n'est pas certain que les travaux effectués au début des années 1740 par Alexis Lingée l'ait remise entièrement dans son état initial (fossés, muraille, pigeonnier, ...).

De plus, tout a été de nouveau reconstruit après les destructions et incendies des guerres de Vendée.

Les plans du cadastre nous montre son état en 1844.

La grange de la métairie du Milieu a été construite en 1833, celle de L'Aubinière en 1854 (20).
Cette dernière n'apparaît donc pas sur le plan.

Plan de L'Aubinière - cadastre 1844 :

extrait du cadastre de La Chevrolière 1844 - planche C6 - ADLA 7P3167F024

Photo aérienne de L'Aubinière - 2016 :

photo aerienne 2016 - Aubiniere - vue du ciel. loire-atlantique.fr



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La négresse du sieur de La Grivelière

Anne Françoise

Bien que La Chevrolière soit une commune rurale, vu sa proximité avec Nantes et son commerce portuaire, il n'est pas si étonnant de trouver ce baptême dans les registres de la paroisse.

28 mai 1735 baptême d'Anne-Françoise- ADLA registre BMS de La Chevrolière

Le vingt huit mai mil sept cent trente cinq a été baptisée Anne françoise agée d'environ quinze ans negresse de mr Beaugin sieur de la Grivelière a été parain N. H. François Bazile Sieur de la poupardrie Capitaine de Navire et maraine Dlle Anne Le Compte épouse de Mr Baugin, qui ont signé avec les soussignants ainsi signé Anne le compte, martel, la baugin, Martel, La Roysaulnier, Basille, La Blanchard, fresnel, P : Baugin, françoise Bazile, marie martel, J. Bureau Ptr recteur

Trois jours plus tard, dans l'église de Saint Aignan, le sieur de La Poupardrie (21) François Bazille rendait la pareille à Pierre Baugin.

Le 31e jour de may 1735 a été baptisée perrine françoise negresse à monsieur Bazille Capitaine de navire demeurant dans cette paroisse a été parrain Pierre Baugin Capitaine de vaisseau et marraine demoisselle françoise Bazile soussignés et autres
(signatures :) françoise bazile P Baugin Le comte M Thiercelin La Roys Saulnier, la blanchard, Fresnel, janne hervouet, julienne hervoüet, Louise le houx, jeanne merlet, Bazille, Coudrin recteur.

Et 5 mois après ces cérémonies de baptême, le 24 octobre 1735, J. Bureau, le recteur de La Chevrolière, concélébrera le mariage à Saint Aignan de Françoise Bazile, la sœur du capitaine, avec Gilles Antoine Beru, notaire du duché de Retz.

28 octobre 1735 mariage Beru Bazile- ADLA registre BMS de St Aignan

On retrouve aucun autre acte relatif à Anne Françoise dans les registres de La Chevrolière.

La présence des Baugin n'apparaît qu'à travers 2 baptêmes où sont marraines :
- Anne Lecomte, baptême d'Anne Moriceau le 7 décembre 1739.
- Margueritte Baugin, baptême d’Étienne Cormerais le 30 juillet 1745.

Margueritte Baugin, sœur de Pierre, est mariée à un capitaine de navire Romain Vimon (Vimont).
En 1745, elle est veuve. Son mari, commandant La Diane de Nantes, est décédé à Leogane (Île de Saint Domingue, actuellement Haïti) le 27 janvier 1740 (22).

Pierre Baugin et François Bazile sont capitaines de navire. Ils ont le même âge, François est du 30 décembre 1694, Pierre du 13 janvier 1695.

François a reçu sa nomination au grade de capitaine le 12 janvier 1717.
Il semble n'avoir fait en tant que capitaine qu'une seule campagne marchande : Nantes - La Martinique en droiture (23).

Pierre, lui, est nommé le 15 décembre 1722. Il a alors 27 ans.

Tous deux sont inscrits maritimes à la paroisse de Saint Nicolas.
Peut-être ont-ils suivi ensemble les cours dispensés par les professeurs jésuites de l'école d’hydrographie de Nantes située rue Briord (24) ?



Il est fort possible qu'Anne Françoise soit originaire de la côte de Guinée.
En effet, en 1735, Pierre Baugin venait d'effectuer une traite sur cette côte, il était capitaine du Mercure de retour à Nantes en décembre 1733.
En fait, toutes les traites connues effectuées par le capitaine ont été sur cette côte africaine.

Par ailleurs, les officiers des navires négriers pouvaient avoir la permission d'embarquer du fret, de la pacotille, afin d'effectuer de la traite pour leur propre compte ou le compte de leurs amis.

Ainsi, dans l'inventaire des hardes meubles et effets délaissés par monsieur Pierre Baugin Capitaine du Vaisseau Le Mercure de Nantes mort à l'isle de Prince le 7 juillet 1737 (25), il est mentionné :

trouvé 2 nègres, 14 négresses, 1 négritte reconnu appartenir au feu Sr P. Baugin.

Quant à l'inventaire de François le Roy, le second chirurgien du même vaisseau décédé à Juda le 8 avril 1736 lors de la même campagne, il indique :

marchandiserie invendu, 1 négresse de permission traitée à Juda pour 7 ancres d eau de vie (26).

Après la mort du capitaine, la traversée de l'océan Atlantique sera épouvantable.
Sur les 435 captifs entassés sur le vaisseau, 140 moururent et sur les 53 hommes d'équipage, 18 périrent (27).

On ne sait pas ce qu'est devenue Anne Françoise. Elle n'apparaît pas dans la liste des décès de la paroisse de St Nicolas, là où habitent les Baugin, ni non plus dans celles des autres paroisses de Nantes.

On ignore aussi si le maître d'Anne Françoise a effectué la déclaration obligatoire auprès de l'amirauté de Nantes après son débarquement en métropole (28).

Aux archives départementales de Loire-Atlantique, les greffes de l'amirauté ne sont disponibles qu'à partir de 1740. Nous ne pouvons donc pas savoir si elle a été enregistrée avant.
Son nom n'apparait pas dans les greffes des années 1740 à 1743 (ADLA B4515).
Une régularisation après 1743 est certes possible, mais improbable.

Voici un exemple de déclaration :

3 mars 1742 - declaration amirauté - ADLA B4515

Du 3e mars 1742
Par devant Mr Roger present Mr de la Clartiere
A comparu Ecuyer Bernard Dustou Capitaine d'Infanterie des troupes detachées de la marine en garnison au cap françois coste Saint domingue de present en cette ville y dem[euran]t rüe garde dieu p[aroi]sse de Saint Leonard.
Lequel nous a declaré qu'en vertu de la permission du sieur de Chastenoye gouverneur du Cap qu'il nous approist en datte du 19e 8bre 1741 et sera cy après enregistré
le sieur Garnier a envoyé en france par le navire La sainte thereze capitaine le sieur Jean baptiste fortin arrivé au bas de cette rivière le douze janvier dernier
une mulatresse nommée Zabeth agée d'environ 22 ans de nation créole non Etampée, esclave apartenante a luy dui sieur declarant,
et ce pour la faire instruire dans la religion cath[olique] ap[ostolique] et rom[aine] et luy faire apprendre le metier de tonnelier couturiere en cette ville
que pour cet effet il la mise chez la nommée fonteneau Tailleuse,
après quoy et lad[ite] negresse ayant apris led[it] metier, il se soumet et s'oblige de la faire repasser aux isles françoises de l'amerique
conformement a la declaration du Roy donnée à Versailles le 15 Xbre 1738 Registrée au parlement de cette province au mois de mai ensuivant et sous les peines y portées,
de laquelle ajoutant qu s'il n'a pas fait la présente plustot c'est qu'il etoit en campagne et que la susd[ite] permission ne luy a eté remise que le jour d'hier,
de laquelle declaration il requert acte que …

Anne Françoise est-elle restée domestique des Baugin ou a-t-elle été placée pour apprendre un métier ?
A moins qu'elle ait été renvoyée dans les "îles d'amérique" ? ou affranchie ?

Dernière question, est-elle "estampée" ? c-a-d marquée au fer rouge, sur le bras droit comme cette captive embarquée sur Le Mercure, propriété du capitaine Pierre Baugin ?

Rôles de bord du vaisseau "Le Mercure", capitaine Pierre Baugin,
septembre 1735 - mai 1737 :

page 8/107 - Rôles de bord - Juin 1737 - ADLA C1313


L'an 1736 le 22eme d'octobre nous capitaine, officiers major et marinier du vaisseau Le Mercure de Nantes certifions que dans la visite ordinaire fait régulièrement dans son infirmerie dudit navire avons trouvée une négresse morte du scorbut marquée sur le bras droit de la marque du navire comme en marge (MR) que nous avons reconnu appartenir à feu monsieur Baugin, en foi de quoi nous avons signé le présent procès verbal pour servir et valoir ainsi que de raison fait à bord dudit navire le jour et an que ci-dessus ...

En fait, la marque de Pierre Baugin est un PB, telle que décrite dans la déclaration de la perte de son navire qu'il fit le 26 mai 1726 au greffe de l'amirauté de Nantes.

page 8/107 - Rôles de bord - Juin 1737 - ADLA C1313


Plus une pièce aussy (d') Indigo appartenant au déclarant marquée PB ...





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Capitaine Jean Baptiste de Couëtus

Pierre Baugin et François Bazil ne sont pas bien sûr les seuls capitaines à posséder un esclave.
Les capitaines Jean Baptiste de Couëtus et Pierre Baugin se connaissent, ils ont fait affaire en 1733 sur la côte de Guinée.
Jean Baptiste de Couëtus embarque le 20 juin 1736 au départ de Nantes pour une traite sur Le Jeune Christophe, avec 2 esclaves lui appartenant La Guirre et Jean Hollandais.
Ils repasseront en France au retour du navire le 7 janvier 1738.

Rôles de bord du vaisseau "Le Jeune Christophe", capitaine Jean Baptiste de Couëtus, juin 1736 - janvier 1738 :

page 54/203 - Rôles de bord - Janvier 1738 - ADLA C1315

Jean Baptiste de Couëtus est le père de Jean Baptiste René (1743-1796), le chef de la division de Saint Philbert de Grand Lieu puis général en second de l'Armée de Charette.
Il s'est marié à 47 ans, le 10 décembre 1742, dans l'église de St Laurent de Nantes avec Demoiselle Marie Anne De Chardonnay de 20 ans sa cadette.
Il décèdera sur ses terres de Saint Philbert de Grand Lieu, les Bretaudières, le 1er novembre 1770 (29).

Originaire du Pellerin, il y est né le 18 décembre 1695. Sa fiche d’inscription maritime de cette paroisse indique :

Jean Baptiste de Couetus - ADLA recherche en ligne inscrit maritime (par nom) - C1397


Jean bap[tis]te de coüetus
fils de pierre et de Dame Jeanne David
garçon natif du pellerin fils de gentilhomme
agé de 30 ans en 8bre 1726 demeure au pellerin
Capitaine suivant les lettres de l'am[iraut]é de Nantes du 3e 8bre 1726 et dispensé des deux campagnes (dues) aux roy suivant l'ordre de S[a] M[ajestée] du 20e aout 1726
sans service 1726
commandant le Cheval Volant pour guinée en 8be 1726
commandant Laimable Renotte Rg 1730.

Jean Mettas, dans le premier et le second tome de son ouvrage "Répertoire des expéditions négrières françaises au XVIIIe siècle" (déjà cité), a consigné les traites réalisées par de Couëtus sur la côte de Guinée avec les navires suivants :

- Le Cheval Volant, de novembre 1726 à juin 1727 (Nantes - - La Martinique), 167 captifs.

- Le Cheval Volant, d'otobre 1727 à juillet 1728 (La Martinique - Queta - La Martinique), 187 captifs.

- L'Aimable Renotte, d'octobre 1729 à juin 1731, (Nantes - côte de Guinée - St Domingue - Nantes) :
" y auroit traitté le nombre de 480 noirs ... après la traite finie auroit appareillé de laditte coste le 16 avril 1730 que ledit jour y auroit eu une revolte abord parmi les noirs desquels il en fut tant noyé que tué au nombre de trente trois, et seroit arrivé a saint domingue le 11e juillet dit an auquel endroit il auroit vendu tous lesdits noirs a l exeption de 52 autres morts tant pendant la traversée que la vente ".

- L'Aimable Renotte, de juillet 1732 à novembre 1733, (Nantes - côte de Guinée). La traite est interrompue suite à l'incendie et la perte du navire.

- Le Jeune Christophe, d'octobre 1733 à mars 1735 (Nantes - côte de Guinée - St Domingue - Nantes).

- Le Jeune Christophe, de juin 1736 à janvier 1738 (Nantes - côte de Guinée - St Domingue - Nantes) :
" y auroit traité le long de la cote depuis Jonque jusqu'a Juda le nombre de quatre cents noirs .... et arrivé heureusement au Cap Francois le 9 avril y auroit traité et mis à terre le nombre de trois cent neuf negres luy restant les autres etants morts tant pendant la traite en Guinée que la traversée aux isles ".





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Capitaine Pierre Baugin

A priori, Pierre Baugin ne semblait pas être destiné à devenir marin si ce n'est le lieu où il a vécu, la rue Bignon Létard près des quais du Port au vin et de La Fosse (30) et le destin.
Son grand-père Lubin était un peintre renommé (31) et son père, Jean Baptiste, un orfèvre (32).

Il a 12 ans lorsque son père décède et l'année suivante, sa sœur aînée, Jeanne, se marie avec un chirurgien des vaisseaux du roi, Germain Baugin.
Le couple va vivre chez la belle-mère, rue du Bignon Létard.
Devenu le chef de famille (grande famille, Jeanne a 9 frères et sœurs), Germain a dû influencer les choix professionnels de ses jeunes beaux-frères.
Jean, le fils aîné reprenant le métier de son père, Pierre sera inscrit maritime à la paroisse de St Nicolas.

Il n'est pas le seul de la fratrie à prendre la mer.
Louis, son cadet de 2 ans, terminera officier de vaisseau. Quant à Marguerite, sa cadette de 6 ans, elle se mariera avec Charles Vimon, capitaine de navire originaire du Havre.

Germain Baugin, l'aîné fils de Germain et de Jeanne Baugin, sera nommé capitaine le 9 janvier 1748. Il décédera à Nantes 2 mois plus tard.
Il avait notamment été mousse sous les ordres de son oncle, Pierre Baugin, sur le Mercure (traite sur la côte de Guinée de septembre 1735 à mai 1737).
Louis Baugin, le fils cadet de Germain et de Jeanne Baugin, lui, sera reçu capitaine le 14 avril 1754 et dispensé d'une campagne due au Roi.
Jean Mettas lui décompte 3 traites négrières en tant que capitaine sur :
- Les Jeunes Cousins de juin 1755 à septembre 1756,
- L'Union de février 1764 à février 1766,
- La Corisante de mars 1769 à septembre 1770.

On lui doit plusieurs cartes des côtes africaines et de Guyane (Cayenne) "par M. Baugin Capitaine de Navire de Nantes qui a fait la traite des noirs pendant 25 à 30 ans" (33).

Les fiches d'inscrit maritime de Pierre Baugin nous renseignent sur son parcours.

Pierre Beaugin - ADLA recherche en ligne inscrit maritime (par nom) - C1408
Pierre Baugin - ADLA recherche en ligne inscrit maritime (par nom) - C1397

Avant d'être nommé capitaine, il a fait ses classes comme matelot, apprenti pilote ("pilotin") et second.
Il a effectué des droitures entre Nantes et Saint Domingue et des triangulaires entre Nantes, les côtes de Guinée et Saint Domingue.

Tout d'abord, 2 cartes d'époque (ou presque) pour situer les différents rivages fréquentés par Baugin.
- La côte de Guinée : Petit Popo, Grand Popo, Juda et ses 2 forts anglais et français (fort St Louis), Jacquin.
- L'Ile de Saint Domingue : Léogame, Cap Français, le débouquement des Caïques, l'atoll des Hogsties, Inague.

Suite de la coste de Guinée depuis la rivière de Volta jusqu'à Jakin où sont les royaumes de Koto, de Popo, de Whidah ou Juda et d'Ardra de Jean Barbot.
- source : gallica.bnf.fr -

gallica.bnf.fr - Suite de la coste de Guinée depuis la rivière de Volta jusqu'à Jakin ou sont les royaumes de Koto, de Popo, de Whidah ou Juda et d'Ardra / [Jean Barbot]

Carte de l'isle de Saint Domigue avec partie des isles voisine par le Sr D'Anville.
- source : gallica.bnf.fr -

gallica.bnf.fr - Carte de l'isle de Saint Domigue avec partie des isles voisine par le Sr D'Anville

Les dangers sont nombreux.

Il y a ceux de la mer avec ses tempêtes qui démâtent les navires, font rompre les amarres, poussent au naufrage.
Les maladies qui atteignent l'équipage dont l'organisme est affaibli par les longues traversées (40 jours pour une transatlantique, 130 jours pour descendre à la côte de Guinée) et par le climat des tropiques où les séjours sont longs (3 à 5 mois pour acheter et recharger le navire à St Domingue, jusqu'à 6 mois sur la côte africaine pour effectuer la traite.
La mortalité parmi l'équipage est élevée (de 18 à 40 % pour les traites effectuées par le capitaine Baugin).

Pierre Baugin a connu tout cela.
Entre son premier embarquement en tant que capitaine et sa mort, il a passé, durant les 15 années, la moitié du temps en service (2 532 jours ~ 7 ans) dont la moitié en mer (1 168 jours).

Les Forbans

A la même période, les forbans sévissent aux Caraïbes et ailleurs.

Kevin Porcher, dans son article "La piraterie et l’exercice de la violence dans l’espace atlantique (1713-1730)", indique (34) :

Entre 1702 et 1713, 34 % des navires nantais se rendant dans les Antilles sont pris et rançonnés par des flibustiers ou des corsaires (soit 142 navires) ; 16 % sont également attaqués sans être pris.
En revanche, durant les dix années suivantes – une fois la paix revenue –, entre 1714 et 1724, 10 % seulement des navires nantais se rendant dans les Antilles (en droiture ou via les côtes africaines) sont pris et pillés par des pirates (soit 53 navires) ; 5 % sont attaqués sans être pris.

Criminocorpus - Kevin Porcher - La piraterie et l’exercice de la violence dans l’espace atlantique

Pour s'en prémunir, les navires marchands sont équipés de quelques canons et il n'est pas rare de compter, parmi l'équipage, un canonnier ou un armurier.

Ce n'est pas toujours suffisant, surtout quand l'équipage refuse de se défendre comme cela s'est passé pour la prise par les forbans du navire Saint Michel de Nantes commandé par Jean Dubois (35).

Le mercredi 20 octobre (1717) sur les dix heures du matin étant à cinq, six lieues dans le nord est de La Grange sa découverte (vigie) l'avertit qu'il avait deux bateaux au large qui chassaient sur lui.
Il fit préparer son équipage et ses passagers, qui étaient au nombre de 28, à se défendre.
Les deux bateaux étant à la portée du canon, celui qui paraissait le plus gros mit pavillon anglais et tira un coup de canon à balle ce qui l'obligea à mettre son pavillon français.
Aussitôt les deux bateaux forbans amenèrent leur pavillon anglais et hissèrent un pavillon noir avec une figure de mort tenant d'une main un dard et de l'autre un sablier au haut de leur grand mât avec un autre pavillon de la même couleur ayant une figure d'homme qui en tient un autre sous ses pieds qui lui traverse la gorge.
Le gros bateau forban approchant lui envoya sept à huit volées de canon.
Se voyant à bonne portée, il aurait voulu faire tirer deux coups de canons du derrière de son navire pour lui présenter son côté ayant pour cet effet fait ferrer les perroquets et carguer la grand voile.
A quoi la plus grande partie de ses passagers et le sieur de Lisle Ribauld, passager, lui dirent qu'il ne fallait point se battre avec ces sortes de gens et que, s'il avait tiré un seul coup de canon, tout son équipage aurait été massacré, que les forbans ne cherchaient qu'à piller quelques vivres et autres discours de pareilles sortes que le sieur de Lisle avait déjà tenu aux vous (uns) et aux autres.
Ce qui fit que la moitié de son équipage fut du parti des passagers, en conséquence il fut hors d'état de se défendre comme il espérait et contraint d'amener son pavillon.

On retrouve cette même description du pavillon noir des pirates dans une gravure faite lorsque le forban Jean (Thomas) Dulin, ayant sévi dans les Antilles et bénéficiant de l'amnistie royale, revient à Nantes en 1729 (36).


Quelquefois, les navires marchands se regroupent en convoi sous la protection d'un puissant vaisseau pour s'éloigner des îles et rejoindre l'océan Atlantique où son immensité rend les mauvaises rencontres improbables.

L’escorte par le vaisseau Le St Jean de St Malo armé de 30 canons et de 160 hommes d’équipage, commandé par le sieur de Brache, semble bien être une duperie pour le St Nicolas de Nantes commandé par Jean Dupin.
Voici l'extrait de sa déclaration qu'il fit le 17 novembre 1717 à l'amirauté de Nantes (37).

Le sieur de Brache lui ordonna d'attendre jusqu'au 14 septembre afin qu'il put escorter hors du boucquement avec 4 autres navires vaisseaux marchands qui se trouvaient prêts à partir comme lui, La Petite Bretagne et La Marie Anne de Nantes et L'Espérance de la Rochelle et un autre vaisseau de Bordeaux.
Qu'étant sorti du Cap le 13 sous l'escorte de Brache et avec ses ordres et signaux pour le suivre comme il avait promis ayant payé pour sa quote part la somme de 356 £ de l'armement de Brache.
Lequel n'escorta les vaisseaux marchands le 15 septembre que de 8 heures du matin à 5 heures du soir.
Il pouvait être à environ dix lieues de la terre Saint Domingue. La nuit du 15 ou 16 étant survenue le sieur de Brache affecta de faire fausse route et abandonna les vaisseaux marchands qui se trouvèrent fort surpris le matin du 16 de ne plus voir leur escorte qui les avait abandonné la nuit précédente.
Nonobstant le déclarant en compagnie des deux autres vaisseaux de cette rivière continuèrent leur route le 16. Et le 17 les vaisseaux de la Rochelle et de Bordeaux ayant quitté le déclarant et les deux autres vaisseaux de ce port.
Il continua sa route en leur compagnie jusqu'au 19 où il fut attaqué par deux vaisseaux forbans dont un était équipé de 40 hommes et l'autre de 50 contre lesquels l'équipage du déclarant ne voulut se mettre en défense quelques commandements prières et promesses de récompense le déclarant leur put faire.
A quoi ils refusèrent de prendre aucunes armes pour se défendre, et enfin l'un des bateaux forbans étant venu à la portée du pistolet du vaisseau une grande partie de ses matelots mirent sa chaloupe à la mer et s'y embarquèrent et furent abord du bateau forban qui renvoya sa chaloupe remplie de 10 forbans armés de sabres et de pistolets à la main.
Lesquels montèrent dans son vaisseau le saisir, et le firent embarquer dans la chaloupe avec le reste de son équipage et le menèrent abord du bateau forban qui fit route pour les Caicques.


Les rapports de mer faits par les capitaines sont très stérotypés. Ils se terminent par la phrase :
... a présenté la décharge des engagés et des fusils boucanniers.
Il ne s'agit pas de militaires avec leurs armes embarqués pour se prémunir des mauvaises rencontres mais d'une obligation.

Les navires marchands allant dans les colonies d'Amérique devaient transporter et déposer des hommes et des fusils. Leur nombre dépendait du tonnage du navire.
- inférieur à 60 tonneaux : 3 engagés,
- de 60 à 100 tonneaux : 4 engagés,
- plus de 100 tonneaux : 6 engagés.

Les engagés devaient être âgés entre 18 et 40 ans, mesurer au moins 4 pieds (1,30 m.), s'engager à travailler dans les colonies au moins pendant trois ans.(38).
Les engagés sachant certains métiers comptaient pour deux.
Les capitaines recevaient un certificat de remise (une décharge) et le présentaient à leur retour en France.
On pouvait aussi payer une indemnité au trésorier de la marine afin d'en être dispensé (60 livres par engagé).



Périple du Capitaine

Pierre Baugin n'a pas eu ces mauvaises rencontres.

On doit aux rapports de mer déposés à l'amirauté de Nantes le détail des traversées (39).

Le Royal Louis

Ses deux premiers embarquements sur Le Royal Louis, navire de 150 tonneaux armé de 10 canons et une trentaine d'hommes d'équipage sous les ordres du capitaine Pierre Fouré, ne lui cachent rien sur les dégâts des tempêtes.

Le premier retour sur Nantes pendant l'hiver 1717/1718 est épique :

Pendant la traversée il (le capitaine) a beaucoup souffert du mauvais temps et plusieurs gros coups de mer ... ; a perdu son grand mât de hune et ... ses 3 câbles et 3 ancres, ... sa chaloupe ... son vaisseau est échoué sur les vases à Paimboeuf et en danger de couler bas.

Rapport de mer du 10 janvier 1718

Son départ de Nantes en janvier 1719 sur le navire du même nom est tout aussi catastrophique. Il essuie une tempête à la sortie du golfe de Gascogne qui l'oblige à faire demi-tour :

Pendant cette tempête il a reçu plusieurs coups de mer, entre autres trois coups de mer qui l'ont couvert depuis l'arrière jusqu'au devant du navire ... le mât de misaine tombant au vent a emporté un canon à la mer et il a perdu tous ses gréements.

Rapport de mer du 23 février 1719

Le vaisseau réparé effectuera le voyage d'avril 1719 à janvier 1720 ramenant sans incident la cargaison de sucre brut, indigo, caret (écailles de tortue) et cuirs.

Rapport de mer du 13 janvier 1720



Le Fidèle

Il effectue sa première traite, en tant que second du capitaine, Jean Peroneau, sur Le Fidèle de 150 tonneaux, armé de 8 canons, équipé de 44 hommes par Mr de Beaulieu Beloteau, marchand bourgeois.

Le Capitaine étant décédé en mer après la traite effectuée lors de la traversée vers St Domingue, Pierre Baugin assure le commandement du navire et effectue à son retour la déclaration à l'amirauté de Nantes le 22 août 1722.

Le voyage a duré 16 mois dont 42 jours d'escale pour la traite de 325 captifs sur la "coste d angolle de guinée" et 6 mois à St Domingue pour la vente des "negres au nombre de 244 le reste luy estant mort tant à sa traversée qu'à la coste " et pour l'achat et le chargement des marchandises.
8 marins sont morts, 3 ont déserté à St Domingue.

Rapport de mer du 12 août 1722


La Thérèse

Ses deux engagements suivants sont pour le compte de Jacques le Roy, négociant demeurant à la Fosse, paroisse de Saint Nicolas, sur La Thérèse de 260 tonneaux, armé de 12 canons et 48 hommes d'équipage.
Il s'agit de droiture avec St Dominque.

Le premier est presque sans incident : parti le 18 janvier 1723, de retour le 5 décembre, des traversées durant 2 mois et une relâche au retour pour s'abriter à Belle-île, où pour repartir :

... Voyant le temps favorable et craignant quelque accident il fut obligé de couper son câble de grosseur de 13 pouces et de longueur de 120 brasses qu'il a perdu à moitié avec son ancre de pesanteur d'environ 1200 livres.
... Arrivé a paimboeuf le jour d hier a l adresse du dit sieur le Roy avec tous les gens de son equipage à l'exception de Francois Douillard officier, Guillaume Lebelle canonnier qui ont déserté ...

Rapport de mer du 6 décembre 1723

Le second commence mal et se termine par la perte du navire.
Parti le 24 avril 1725, une tempête dans le golfe de Gascogne l'oblige à faire demi-tour pour réparer une voie d'eau à La Rochelle (il laisse un marin malade à l’hôpital).

Il en repart le 15 mai et arrive au Cap Français le 4 juillet.
Il y décharge ses marchandises, recharge du sucre de l'indigo, des cuirs à poil et part le 13 novembre 1725 en compagnie de La Petite Bretagne de Nantes. Ils se tiennent compagnie jusqu'au 19 puis ayant tourné dans le débouquement des Caiques où il a louvoyé bord sur bord pour débouquer entre la Grande Caique et Moganne, qui est le meilleur débouquement.

Et, le soir du 27, il a le malheur d'échouer sur un haut fond situé dans le nord-nord-est d'Ignague distant d'environ 12 lieues.
Peut-être l'atoll corallien Hogsty Reef ou les îlots Plana Caya nommés sur la carte les hogsties, les îles plates.

Ils restent 17 jours sur l’îlet mettant à terre une faible partie de la cargaison avant d'apercevoir les voiles d'un bateau anglais.
Son capitaine, Edward Kirby, profitant de la situation, exige 300 livres sterling pour les rapatrier à St Domingue avec les effets qu'ils ont sauvés.

A Leogane, son équipage intente et gagne un procès afin d'être payé.
Il vend une partie des marchandises sauvées pour payer son équipage, le capitaine anglais, les frais de justice, et son retour sur L'Aimable Renotte avec 3 membres de son équipage et le reste de l'indigo sauvé.
Il part le 7 février 1726 et touche terre à Brest le 8 avril et fait la déclaration à Nantes de la perte du navire la Thérèse le 9 mai 1726.
Sa déclaration est confirmée très sincère et véritable par 3 membres de son équipage le 17 mai.

Déclaration de Jacques Le Roy armateur du 28 février 1726
Déclaration de Pierre Baugin de la perte de La Thérèse du du 9 mai 1726
Vérification de la perte de La Thérèse du 17 mai 1726


Le Mercure

Les quatre engagements suivants sont pour le compte du sieur le Ray de La Clartais négociant à la Fosse de Nantes y demeurant paroisse de St Nicolas, bourgeois et armateur en tant que capitaine du Mercure de Nantes, du port d'environ 150 tonneaux, armé de 12 canons.

Le premier est une droiture avec St Domingue, à la belle saison, rapide et sans incident.
Parti avec 43 hommes d'équipage le 8 mars 1730, arrivé au Cap le 23 avril, il vend ses marchandises et recharge en retour la quantité de 424 barriques 79 quarts de sucre brut, 31 barriques d'indigo 206 cuirs en poil et autres marchandises, tant à fret que pour le compte du navire.
Il quitte l'île le 15 juillet et arrive à Paimboeuf le 23 août.

Rapport de mer du 28 août 1730

Le deuxième est une traite qu'il enchaîne à la suite.
Le 28 décembre, il part avec un équipage renforcé de 55 hommes. Il démâte dès le premier jour et essuie plusieurs coups de vents qui donnent de l'eau dans la cale.
Ce n'est que le 19 février qu'il peut faire une inspection des vivres. Un tiers, étant pourri, est jeté à la mer.
Il arrive à Jacquin le 9 mars et commence la traite qui dure jusqu'au 9 juin. Elle comprend 400 captifs.
Pendant tout ce temps, le bateau est amarré à la côte, plusieurs coups de vent lui font perdre des ancres et des câbles d'amarrage.
Il fait relâche 5 jours à l'île de Prince pour faire des vivres et de l'eau et du bois.
Pendant la traversée vers les Antilles, le 3 septembre, il tient conseil avec ses officiers.

Dans la délibération qui fut faite entre lui dit déclarant et ses officiers, sur ce qu'il leur était mort quantité d'autres nègres de maladie et qui s’étaient jetés à la mer, ils résolurent pour le bien et avantage des armateurs d'aller à La Martinique.

Arrivé à Fort Royal (Fort-de-France) le 11 septembre, il vend tous ses noirs à l’exception de 243 noirs tant morts que noyés pendant la traversée. Et qu'il est mort pendant la vente le nombre de 36 autres noirs.
Après son chargement fini de sucre, cacao et autres marchandises permises, il appareille le 20 novembre et arrive à Paimboeuf le 4 février 1732 après avoir subi plusieurs tempêtes.
22 des 43 membres de l'équipage sont morts durant l'ensemble du péril.

Rapport de mer du 6 février 1732

Le troisième est aussi une traite.
Parti le 28 août 1732, traite de 515 captifs au Petit Popo du 19 novembre au 4 janvier 1733, relâche pour vivres à l'île au Prince du 21 janvier au 3 février 1733, nouvelle relâche de 3 jours à La Martinique  pour y faire de nouveaux vivres et mettre à terre des gens de équipage du navire Laimable Renotte qui avait brûlé. Arrivé au Cap Français le 1er mai, il vend  tous les noirs de sa cargaison à l’exception de 16 morts tant pendant la traversée que le séjour qu'il a fait au même lieu du Cap.

Et, après son chargement fini, il appareille le 12 octobre pour arriver à Paimboeuf le 11 décembre 1733.
Et, dans sa traversée il aurait reçu quantité de coups de vents et de mers qu'il lui font craindre qu'il pourrait y avoir des marchandises de son chargement endommagées et avariées .
Des 55 membres de l'équipage 10 sont morts, 2 ont déserté au Cap.

Rapport de mer du 14 décembre 1733

La déclaration à l'amirauté de Nantes du capitaine est succincte sur la raison de sa relâche à la Martinique.
En fait, lorsque le Mercure arrive au Petit Popo, le navire de L'Aimable Renotte du capitaine Jean Baptiste de Couëtus, déjà présent, avait commencé sa traite.
Le 23 novembre, 353 captifs et une partie de l'équipage étant à bord, le feu prit à la cale du navire dans une pièce d'eau de vie par l'imprudence du tonnelier qui y était descendu avec une chandelle.
Le navire en proie des flammes finit par sauter.
Seuls 196 captifs sont sauvés.

Se trouvant à terre avec son équipage sans navire, le capitaine de Couëtus vend sur place ses captifs dont la majeure partie (173) au capitaine Baugin et lui achète le passage vers La Martinique pour lui et 29 membres de son équipage et  4 nègres provenant de sa pacotille dont il paye le passage 50 £ par tête.
Il laisse deux de ses officiers au fort St Louis de Juda.
Déposé à La Martinique par Pierre Baugin, il embarque sur La Minerve pour revenir à Nantes.
Où il dépose sa déclaration de perte du navire le 30 juin 1733.

Rapport de mer du 30 juin 1733

Le dernier engagement est aussi une traite.
Parti le 14 septembre 1735, il arrive le 11 novembre sur la côte de Guinée où il traite depuis la côte de la Mine jusqu'à Juda le nombre de 435 nègres négrittes et négrillons de tout âge.
Il part le 21 mai 1736, la traite a duré plus de 6 mois. Il a fait une relâche (plutôt longue : 37 jours) à l'île de Prince.
C'est sur cette île qu'il décède le 7 juillet 1736.
Jean Abraham, son second, prend le commandement du navire et arrive au Cap le 26 octobre.
Depuis le commencement de la traite en Guinée jusqu'à la fin de la vente et négociation … (il est) mort le nombre de 140 nègres.
Après le chargement de sucre, d'indigo et de cacao, il appareille pour Nantes où, le 28 mai 1737, il fait la déclaration de son rapport de mer auprès du greffe de l'amirauté.
18 membres de l'équipage sur 53 sont morts.

Rapport de mer du 28 mai 1737





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Anne Lecomte

On n'a pas beaucoup d'informations sur le couple Pierre Baugin et Anne Lecomte.
Il ne semble pas que le couple ait eu des enfants.
On ignore la date et le lieu de leur mariage, ainsi que les circonstances de leur rencontre entre lui Nantais et elle Mantoise. Anne est née à Mantes le 25 juillet 1697 (40).

Après la mort de son mari, on sait qu'elle habite encore à Nantes et à La Grivelière puisqu'elle est soumise aux taxes de capitation qui s'y rattachent (41).
Ainsi en 1742, il est dû pour Nantes, sur La Fosse où elle demeure, 40 livres pour elle et 2 livres 6 sols pour sa domestique, et pour La Grivelière 30 sols et 20 sols pour, respectivement, un valet et une servante.

En tant que propriétaire de La Grivelière, l'abbaye de Villeneuve lui afferme les droits de dîme sur le fief aux moines avec des baux de 9 ans pour 155 livres annuelles (42).

... tous et chacun les droits de dîmes, terrages, rente en grains et argent, biens et chapons, dîmes des agneaux à la dixième partie, avec la rente par grain due par le Sieur Dupas de La Chevrolière le tout appelé Fief aux moines.
Et généralement tout ce qui appartient à l'abbaye de Villeneuve en le dit Fief aux moines en la paroisse de La Chevrolière.
Excepté cependant les droits de lods ventes, rachats et le setier de seigle dû par le Sieur Guitton sur le Fief de Langle que le Sieur Abbé se réserve.
A la charge à la demoiselle Baugin,
- de jouir des droits affermés comme elle en jouit et a dû en jouir en vertu des précédents baux lui en fait par le sieur abbé des religieux de l'abbaye de Villeneuve, Desquels droits elle reconnaît même qu'une partie des dépendances de sa maison de la Grivelière est sujette,
- de ne faire aucune novation au préjudice du sieur abbé.
Encore à la charge à la demoiselle preneuse d'acquitter chacun an et sans diminution du prix à savoir à l'abbaye de Geneston 3 setiers de seigle et un 1/2 setier d'avoine le tout mesure rase et au sieur recteur de la Chevrolière 12 livres tournois ...

Le bail est renouvelé en novembre 1765 au nouveau propriétaire Jean Hoüery négociant à Nantes demeurant rue du Chapeau Rouge paroisse de Saint Nicolas.

Il semble qu'Anne Lecomte ait quitté Nantes au début des années 1760.
On retrouve à Paris un acte notarié qu'elle a passé le 3 mars 1761 devant Maître François Robineau relatif à un contrat de rente sur sa tête (43).
Elle est vraisemblablement accompagnée par sa belle-sœur, Marie Baugin, veuve de Jean Baptiste Picard (44).
Anne Lecomte décède à Mantes le 26 avril 1784 et est inhumée dans la paroisse Sainte Croix qui l'a vue naître.

... inhumée dans le cimetière de cette ville ... le corps de Anne Lecomte veuve Pierre Baugin capitaine de vaisseaux, de cette paroisse décédée d'hier après avoir reçu les sacrements  de l'église âgée de 86 ans 9 mois.





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Fumier de la ville

Fumier de ville est le nom donné dans le cadastre de 1844 à la parcelle de terre n° G 992 dépendante de la métairie de la Boulaie, située proche des landes de l'Aubrais.

On pourrait penser à une malice toute paysanne comme celle nommée pièce de la pauvreté (n° E 539) près du Rateau située à la limite des terres du riche propriétaire de La Freudière, ou  la pièce vaut rien (n° D 83)  à la pointe nord de la commune.

Et non, il s'agit bien là au sens propre, si on peut dire, de fumier de la ville.

Lorsque, en 1844, le nom de la parcelle est renseigné dans le cadastre, les terres de la métairie la Boulaie sont la propriété de M. Deausse du Mortier (45).
Son domaine à l'extrémité sud de la commune couvre 172 hectares englobant les métairies du Mortier, de la Boulaie et de la Girouardière.

Lors de l'enquête faite pour le projet d'un nouveau chemin vicinal n° 8 au cours de l'année 1853, M. Deausse a exprimé ses doutes pour l’intérêt de la commune à réaliser ce chemin.
Monsieur Couprie, maire de la Chevrolière (46), en avait exposé le projet lors de la réunion du conseil municipal au mois de mai (47).

Il est vrai que le raccordement du chemin à la route de St Philbert, en droite ligne à travers champs à partir de l'extrémité de l'allée de l'Arsangle, avait l'avantage de permettre un accès carrossable à la résidence de monsieur le Maire,
et l’inconvénient d’empiéter sur les terres de la métairie de La Boulaie.

Cadastre 1844 - Propriété de M. Deausse - chemin n° 8 - fumier de la ville

cadastre 1844 - propriété M.Deausse - chemin vicinal n° 8

C'est la réponse du Maire qui nous intéresse (délibérations municipales du 18/12/1853) :

Le Sieur Deausse, dont la propriété située entre deux routes de grandes communications, doit en reconnaître les immenses avantages,
et reconnaître aussi la nécessité d'en créer, au moins une, de petite vicinalité au centre d'une partie de la commune qui, n'a et ne peut avoir de communication directe avec le village de Passay,
où tous les fermiers vont en échanger de leurs menus grains, bois, genets et enlever les engrais qu'ils ne peuvent aussi facilement que le grand propriétaire, faire venir des établissements de répurgation .

Ainsi Monsieur Deausse, comme d'autres, faisait venir du fumier de la ville pour engraisser les terres.

On retrouve une information sur le transport fluvial de fumier avec la déclaration du 24 avril 1793 de ces bateliers arrêtés sur le Tenu à Saint Mars de Coutais par les brigands (48).

... que le dimanche 10 mars dernier, ils partirent de Nantes sur leurs bateaux qui étaient chargés de fumier pour se rendre à Ste Pazanne, qu'ils y ont été 15 jours, que le 3 du présent mois ils en partirent pour revenir à Nantes.
Mais qu'arrivant à St Mars de Coutay une troupe de brigands armée de fusils de piques et autres armes leurs crièrent d'arrêter les mettant en joue et menaçant de les tirer s'ils n'abordaient ...

Par ailleurs, en 1840, la société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure indique à propos des statistiques d'agriculture de Nantes (49) :

... Plusieurs cantons des communes de Chantenay, de Saint Sébastien et Rezé, domicile d'une classe autrefois chargée de la répurgation de la ville, sous le nom de hocquetiers, se ressentent encore de l'heureuse influence produite pour les engrais recueillis dans nos rues.



En fait, il y avait déjà un contentieux entre M. Deausse et la mairie à propos du classement en terrain privé du vieux chemin du Mortier (délibérations municipales des 23 janvier et 3 avril 1853).

M. Deausse contestera la validité de la délibération du 18 décembre 1853 relative au chemin de Passay à La Boulaie, une pétition circulera. Ce n'est qu'en janvier 1855 après une enquête effectuée en bonne et due forme que le conseil adoptera la réalisation du chemin (50).

Au final, L'Arsangle aura bien, au bout de son allée, un chemin communal pour un accès direct à la route entre la Chevrolière et St Philbert.

M. Deausse obtiendra 113,20 Francs pour les 5,66 ares de terres expropriées (51).
La commune acquittera 546,44 Francs de frais de justice pour le procès infructueux intenté contre M. Deausse à propos du vieux chemin allant au Mortier.

Délibérations municipales du 22 mai 1857 :

... l’état des frais de justice incombant à la commune dans le procès intervenu entre Monsieur Deausse et elle, au sujet du vieux chemin, montant à la somme de 546F44,
le conseil et les plus imposés l'ayant mûrement examinés ont à unanimité voté la susdite somme,
et regrettent que la commune ait été lancée dans un procès pour un objet qui lui est tout à fait infructueux.

Entre temps, en 1854, M. Deausse aura mis en vente ses terres.

Annonce parue dans l'Union Bretonne de 25 avril 1854 (52) :

Une maison de maître, cour, écurie, remise, jardins potager et d'agrément, belles avenues,
5 métairies dites de la Boulais, du Mortier et de la Girouardière, vignes, bois, taillis et haute futaie ;
le tout d'un seul tenant sur la Chevrolière.
Et sur St Philbert le pré du Chaffeau et celui de la Rousselière borné par le lac de grand lieu et la Boulogne d'environ 6 hectares (la hauteur des eaux ayant empêché la mesure exacte).

La mise en vente est décomposée en presque 200 lots, dont l'article n° 174 :

Maison de maître presque neuve, Le Mortier composée de salle, salon, cuisine, cave, caveaux, 4 chambres hautes et un couloir, 3 petites chambres et compartiments aux mansardes ;
le tout couvert en ardoises.

Il faut remarquer la présence de latrines et de bains dans la cour du Mortier (articles n° 177 et 178).

Concernant l'annonce de mise en vente, les surfaces des parcelles sont en grande majorité légèrement supérieures aux valeurs indiquées dans le cadastre.
Pour une minorité d'entre elles, leur nom diffère de ceux du cadastre.

Nom des parcelles de la propriété de M. Deausse


nom des parcelles propriété de M.Deausse

Ainsi l'article n° 24 est nommé la pièce du mani-de-ville et sa position est intervertie avec celle du cadastre nommée fumier de la ville .

La métairie de la Girouardière sera acquise en août 1858 par Monsieur Jean Viaud de Nantes (53), celle de la Boulaie par Monsieur Théodore Baré et celles du Mortier par Monsieur Joseph François Péneau (54).
L'ancienne ferme de la Boulaie située à l'embranchement du chemin vicinal avec la route de Saint Philbert sera démolie, et une nouvelle sera construite à son emplacement actuel (parcelle nommée le taillis).
Monsieur Théodore Baré, propriétaire (et maire successeur en 1860 d'Adophe Couprie) achèvera la construction des bâtiments en 1858.
Quant au vieux chemin du Mortier, Monsieur Péneau proposera à la mairie de l'échanger avec l'avenue du Monceau.

Répartition des nouveaux propriétaires

nouveaux propriétaires en 1861 des terres de M.Deausse


L'apport d'amendement (mani, fumier) a toujours été une préocupation. Les baux des métairies ne manquent pas de préciser qu'il devait être laissé sur place à l'échéance du bail (55).

Même les bouses de vaches laissées sur les communs sont recueillies et vendues.
Ainsi, pour les marais de Pont Saint Martin et Saint Philbert de Grand-Lieu, nous trouvons :

Le 12 novembre 1783 ... a affermé pour le temps et espace de 3 ans ..., les fientes que les bestiaux laisseront sur les marais d'Herbonne (56).

Maître Jean Baptiste Pierre Reliquet Notaire Royal ... a déclaré que demain, 8 septembre (1816) il procédera, en son étude, à la vente aux enchères des bouses du Marais-Puant (57)


Le milieu du 19ème marque le début de l'évolution des techniques agricoles.

En 1832, l'ouverture de la première ferme-école Granjouan à Nozay, la création des comices agricoles sont propices à la diffusion de nouvelles pratiques agricoles.
L'emploi d'autres fertilissants externes se répand :
- le noir animal à l'origine résidu de la raffinerie du sucre
- le guano importé du Pérou.

A Nantes, se développent un commerce et une industrie de manufacture d'engrais artificiels destinés à se substituer en partie aux noirs et aux guanos (58).

Cet essor rapide entraîne un commerce d'engrais plus ou moins efficace.
Le conseil général de Loire-Inférieure, conscient du probléme, proposera la mise en place d'un contrôle qualité sur les engrais mis en vente (59).

Un bureau de contrôle sera créé à Nantes dès 1838 dirigé par M Bobierre.
Une loi sur la répression de la fraude dans la vente des engrais sera adoptée en 1867.





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Incendies de la forêt de La Freudière

Le 4 mars, le feu, parti d’une lande limitrophe, s’est étendu à la forêt de la Freudière.
Un mois plus tard, dans la nuit du 28 au 29 avril, ce sont les allées de la forêt qui ont, semble-t-il volontairement, été incendiées.

Selon l’officier chargé des eaux et forêts de Nantes, un tiers du massif a été consumé.
La présence non-autorisée d’une fosse à charbon de bois y a été constatée, ainsi que le broutage des jeunes pousses des dernières coupes des arbres.
Du bétail a donc été amené en forêt, lui aussi sans autorisation.

Qui sont ces particuliers à l’origine de ces méfaits ?
Un appel à témoins est lancé.
Nous sommes en 1741, après l’autorisation du lieutenant de la maîtrise des eaux et forêts de Nantes un monitoire est émis (60).
Monitoire bois de la Freudière

Cet appel sera lu aux prônes des grandes messes paroissiales et dominicales, trois dimanches consécutifs.
Il est demandé à ceux et celles qui savent ou qui ont connaissance des malfaiteurs, de leurs complices, de leur nom, surnom, … de les révéler à la justice dans les 8 jours après la dernière publication sous peine d’excommunication.

Les malfaiteurs ont-ils été identifiés ?
Condamnés à des amendes ?
Les archives ne contiennent pas les réponses.


Par contre, en 1717, les responsables de l’incendie de feu causé par malice ou autrement dans les bois et taillis du sieur de la Grue appelé la bauche de Passay ... et dans une bauche joignant la forêt ...(et qui) a causé un dommage considérable dans ledit bois et taillis dudit sieur de la Grue sont identifiés (61).
Accord et transaction faite par François de Grue

A tort ou à raison, les métayers jouissant depuis plusieurs années de la bauche sont désignés responsables.
Il s’agit des laboureurs de la métairie du Breil du Bignon.

C’est le fils du propriétaire, l’écuyer François de la Grue de Passay qui, le 7 mai 1717, obtient un accord de dédommagement avec les incendiaires selon la formule toute consensuelle afin d’éviter aux suites qui auraient pu arriver intentées par le sieur de Passay faisant pour le Sieur de la Grue son père contre les particuliers sus nommés ont les parties par bonne volonté et afin de tenir nourrir la paie et amitié entre elles ont convenu ... la somme de 300 livres pour les dommages fait dans les bois et taillis.

Le paiement sera échelonné en 3 termes : à la Toussaint, à Pâques et à la Toussaint de l’année suivante.

Les mis en cause, Mathurin Bachelier, Nicolas Pogu, Julien Leauté et Margueritte Belineau (sa femme) et Marie Guillet (veuve de Guillaume Leauté) devront en outre payer incessamment tous les frais qui ont été faits dans la juridiction des eaux et forêts de Nantes à ce sujet et même ceux du procureur du Sieur de Passay.

Et si les juges de la juridiction venaient à faire une descente (ils) se sont pareillement obligés à la payer et aux suites qu’ils pourraient faire à ce sujet.



Vu la saison à laquelle ces deux incendies se sont déclarés, le début du printemps et s'ils sont non intentionnels, il est probable que leur origine soit due à un brûlis, simple brûlage de la végétation sur place et non un écobuage, dont la mise au feu est plus tardive (62).



Selon René Durand, la forêt de la Freudière ne faisait pas partie du domaine royal (63).
Ou plus exactement, il ne la liste pas dans celles dépendantes de la maîtrise de Nantes  :

1. la forêt de Touffou, à 3 lieues de Nantes, près de la paroisse du Bignon,
2. la forêt de la Gravelle, à 4 lieues de Nantes, près de Montebert (Montbert),
3. la forêt de Meilleraye, à 2 lieues de Nantes, près de l’abbaye de Villeneuve,
4. la basse forêt, à une lieue et demie de Nantes.
5. la forêt de la Morandière, proche la Basse-forêt, 271 arpents.
6. la forêt de Brin (Brains) et le canton de Boulassier, 34 arpents 84 perches.
Le personnel forestier de la maîtrise de Nantes comprenait un maître-particulier, un procureur, un greffier et sept sergents.
Maître particulier en 1729 : Jean-Baptiste Prud’homme, procureur du Roi : Cler (Clair) de Guer.

Les 5 premières forêts listées sont les restes morcelés de la grande forêt de Touffou du duc de Bretagne (alors très étendue avant le rattachement de la Bretagne au royaume de France).

Le nom des parcelles vallée de la planche du roi, taillis de planche du roi du cadastre de 1844 de La Chevrolière, limitrophes avec la commune du Bignon interpelle sur la complétude de cette liste.
A moins que le nom des parcelles soit une rémanence d'un ancien jugement rendu par la maîtrise des eaux et forêts de Nantes.
Et non, cette dernière supposition est toute erronée, la planche du roi est déjà citée pour borner les terres cédées dans l’acte de vente du 19 juin 1554 de la forêt, des deux métairies (les Huguetières et la Guillauderie) et la lande adjacente par Jehan d'Annebaud baron de Retz à Jehan de Rochereul seigneur de la Frudière (ADLA E519).

Plan de la forêt de la Freudière (64), extrait des planches des cadastres "Napoléon" des communes de La Chevrolière, Le Bignon, Montbert, Saint Philbert de Grand Lieu (source ADLA)

forêt de la freudière - cadastre 1840 ADLA

Le plan des cadastres de 1840 ne permet pas de représenter l’étendue et l’environnement de la forêt de la Freudière un siècle plus tôt.

Pas plus ce plan issu des cartes d’état-major de 1820-66.

Carte de l'état-major.

carte d'état-major - 1820-66

On devine par le tracé régulier des parcelles de terres le long du chemin des coupis, des coppis (des coupes) que leurs mises en culture sont récentes (la ferme de La Georginière n’est pas représentée).
Au 18éme siécle la forêt devait s’étendre sur cette partie au moins jusqu’au ruisseau qui fait la séparation entre La Chevrolière et Le Bignon (jusqu’aux Bauches);


Un plan des landes des Huguetières de 1788, montre la lande partant du bois Briqueloup, ceinturant par le sud la forêt puis par l'est les bauches.

Il est issu du dossier de revendication des landes déposé en 1788 au présidial de Nantes par Anne Fortin Veuve de Pépin de Bellisle seigneur de La Freudière contre Messire Alexandre marquis de Brie-Serrant, baron de Retz.
Ce dernier ayant acheté le duché de Retz en 1779, l’a vendu fief par fief.
Ainsi les landes des Huctières ont été achetées par Jean-Baptiste de Richard, Seigneur de La Roulière.

Plan des landes des Huguetières.

Lande des Huguetières - 1788 ADLA cote E 519

Sur le plan, le moulin des Huctières situé au milieu des landes est nommé moulin de Me Richard.
Sur la carte d’état-major, un moulin à vent, sans nom, est représenté proche des landes le long du chemin conduisant à La Chasse et au Pin (et au Breil).
Sur le plan des landes des pièces limitrophes sont nommées pièce du moulin turquois, pièce du moulin Bretin.

On remarque les bornes fixant la ligne de séparation entre les landes des Huguetières et celles de Geneston, démarcation actuelle des communes du Bignon et de Geneston.

Par rapport à la carte d’état-major (et celle actuelle), la désignation des habitats est différente :

- Léauté : Les Buzinières,
- métairie Guilboteau : Chez Guibreteau,
- métairie chémarc : Mare (Chez Marc),
- village de viegu : Marboeuf.

Superposition du plan des Landes des Huguetières sur la carte de l’état-major.

forêt de la freudière - cadastre 1840 ADLA

Enfin, une dernière carte figurant la route de Nantes à La Roche-sur-Yon, traversant la lande des Huguetières.
Tracée en droite ligne au 19éme, la route stratégique avait, notamment, pour but de rendre les déplacements des troupes de militaires rapides et aisés.

Carte de l'état-major.

carte d'état-major - route stratégique - 1820-1866



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Monitoire

Comme l'indique l'article sur wikipédia consacré au monitoire à fin de révélations (65), il s'agit d'"une procédure judiciaire destinée à obtenir des témoignages lorsque ceux-ci s'avèrent inexistants.

Il consiste à s'appuyer sur le clergé paroissial, qui doit à cette occasion fulminer une injonction à leurs paroissiens de témoigner sous peine d’excommunication.

Plus que la peur de l'excommunication, la réussite du monitoire (très peu d'excommunications sont prononcées aux deux derniers siècles de l'Ancien Régime) repose sur la force de persuasion des curés, à une époque où la Réforme catholique et la monarchie absolue font du bas clergé un élément incontournable de la vie religieuse et administrative.

En principe limité aux crimes graves et scandales publics, le monitoire est en réalité de plus en plus demandé, notamment par les victimes, pour régler les petites infractions du monde urbain et plus encore dans les campagnes ; ce qui explique son succès auprès des populations, qui n'hésitent pas à le réclamer avant même que la procédure ne s'avère infructueuse.

Les trois-quarts des monitoires sont de fait le fruit d'une demande des justiciables au XVIIIe siècle".



Dans les minutes des notaires apostoliques de l’Ancien Régime, des lettres monitoriales sont présentes.

Voici 4 exemples glanés aux Archives Départementales de Loire Atlantique.

La recherche des circonstances d’un noyé trouvé en août 1786 dans le lit de la Sèvre au niveau de la paroisse du Boussay (66).
Est ce lui qui se serait jeté ou serait tombé sans impulsion de personne, dans l’eau et s’y serait noyé ; ou au contraire s’il n’y a point été jeté par quelqu’un, après avoir été maltraité, ou, peut-être tué ?
Monitoire de Clisson


L’appel à témoins pour le vol par effraction de  5 000 livres tant en or qu’en argent dans la nuit du 20 au 21 décembre 1772 dans la maison de la Viconterie paroisse de Vallet appartenant au sieur Benoit (67).
Après n’avoir pu s’introduire par un trou fait dans le mur du pignon situé vers l’orient, les quidams ont à la faveur de plusieurs échelles attachées les unes aux autres avec des courroies servant à lier des bœufs, ouvert le contrevent d’une fenêtre, rompu le vitrage, enfoncé le volet
.
Ils sont entrés dans une chambre dans laquelle ils ont forcé la ferrure d’une armoire et y ont volé une cassette fermée à clé et cadenas.
Le lendemain cette même cassette a été trouvée rompue en plusieurs morceaux, dans un clos de vigne située prés de la maison.
Monitoire de Vallet


La lettre monitoriale du 5 juillet 1710(68) pour avoir des preuves pleines sur certains particuliers de la paroisse de Vieillevigne depuis quatre mois environ retiennent dans leurs maisons certaines filles ou femmes de mauvaises vie, menant un mauvais commerce au scandale de la religion et du public.
Monitoire de Vieillevigne


Enfin ce dernier monitoire relatif à ces mystérieux méfaits de la nuit de jeudi à vendredi 28 et 29 février 1704 (69).

Qui sont ces inconnus qui ont abattu avec des pelles et bêches des fossés que le seigneur de la Chapelle Glain avait fait faire et construire proche son moulin d’Acigné situé prés le bourg de Cordemais pour l’utilité de ses vassaux, et empêcher que les bestiaux ne soient tués par les verges du moulin ?

Qui sont ces particuliers qui ont dit ouvertement lorsqu’on faisait les fossés « voila des fossés qu’il faudra jeter à bas, et quand on les jettera on ne saurait rien en dire ni faire » ?

Qui sont ces gens présents lorsque les fossés étaient abattus, armés de fusils et masqués pour faire un mauvais parti à ceux qui s’opposaient ?
Monitoire de Cordemais




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